Elites, Politiques publiques, Stratégies privées, Pratiques civiles face au Local

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Elites, Politiques publiques, Stratégies privées, Pratiques civiles face au Local

Revisiter la définition du mot Elite
Elite :
  • "Ce qu’il y a de meilleur dans un ensemble composé d’êtres ou de choses
  • Classe minoritaire composée de gens qui, du fait de leur naissance et de leurs mérites, de leur culture et de leur capacité sont reconnus (ou se reconnaissent) comme les plus aptes soit à occuper les premières places de la société à laquelle ils appartiennent, soit à donner le ton à leur milieu."

Qu’est-ce alors qu’une élite (administrative, financière, artistique, sportive, artisanal, intellectuelle …) dans un monde en mouvement, façonné par une déferlante numérique acentrée, instable, éphémère… où l’aujourd’hui est déjà hier… et le demain déjà presque aujourd’hui ?

  • Qui est à même de reconnaître les cultures et les capacités de l’élite selon sa spécificité ?
  • Sur quelles bases vont se fonder la Re-Connaissance et s’attribuer les mérites ?
  • Comment déterminer qui est apte ou non apte à occuper les premières places, donner le ton ?
  • Qui occupe le devant de la scène et donne le ton aujourd’hui dans cette société en mouvement ?
 
Formation initiale coupée des réalités du Local
Cet éloignement du Local, en particulier dans les formations initiales, tient à l’absence de diversité (l’Ego domine l’Autre), à la non inclusion systématique du doute dans la procédure, de décision ou de conception. [1] Ce qui est moins vrai pour les secteurs comprenant de l’apprentissage et la réalisation d’ouvrages ou de projets personnels concrets.

Nombre d’élites ou de décideurs occupés à défendre leurs « survies sociales » (courir derrière l’évolution du Droit, prendre la mesure des usages déstabilisants du numérique) sont « obligés » d’aller au plus court chemin :

    • Tendance jacobine habillée de « dialogues » parfois avec conviction, souvent sous simple forme de « com ».
    • Faible capacité d’attention aux Autres et à la Proximité liée à : masse d’informations disponibles, réactivité ou silence des « citoyens », déshérence des paroles médiatiques, cultuelles, ou simplement porteuses de sens.
    • Langage complexe voir abscons dans l’écriture de textes ou de rapports souvent inaudibles par le citoyen (volonté de « verrouiller » le détail et les lobbies) [2]

La pensée de l’élite / décideur n’a pas l’agilité de l’hyperlien ou celle de « Petite Poucette » [3].
La « Décision » finit par échapper au décideur.

    • Doute et instabilité d’un monde acentrée (alors même qu’Internet, c’est avoir tout sous la main… y compris le faux).
    • Fake News en pagaille et difficulté des Etats pour y mettre un terme [4]


 Le mental des élites : la négation du Local

Un paradoxe ? Cette négation du Local par les élites.

Alors même que la richesse de la France tient beaucoup à la grande diversité des savoirs, territoires, coutumes, historiques, paysages, climats, vécus de proximité… et que le numérique est remplie de communautés signe de proximité…Cette négation… est-elle :

  • La faute aux « territoires » ne sachant attirer les élites ?
  • Le résultat des faiblesses du système éducatif français conduisant aujourd’hui à conforter la reproduction sociale, et donc à favoriser la reproduction des élites.
  • La préférences des élites (dialogue, action) envers les intermédiaires professionnels ou institutionnels « reconnus » ou « proches » ; plutôt que de se confronter aux individus (collectif, réseau).
  • La « globalisation » d’un internet sans limites perceptibles ? L’hyperlien favorisant des sauts de puce d’un monde à un autre ; induisant des certitudes et connaissances souvent partielles. Le « j’aime / like » d’un clic, pour tout et rien, affadissant ce qui fait l’émotion et la richesse des proximités humaines, et nourrissant la médiatisation de faits, de paroles dont l’importance peut être toute relative.

Qu’est-ce qu’une élite dans notre monde numérique acentré :

  • Tête bien faite plus que bien pleine,
  • Agilité d’esprit, capacité d’attention,
  • Diversité d’expériences locales et regards tournés vers l’Autre,
  • Capacité au doute pour rebondir, en acceptant le droit à l’erreur.
  • Re-Connaissance par les membres d’un réseau et pas seulement par ses pairs [5]. Pertinence aussi des Labels qui peuvent agir comme levier de développement économique au niveau local.
  • Volonté et courage d’être entreprenant dans l’un des domaines de la société ; et pas seulement suiveur ou gestionnaire… Sur des secteurs porteurs comme le web, le lien social et les services à la personne, les technologies montantes, les écosystèmes de proximité visant le quotidien. [6]
  • Ouverture d’esprit et modestie sur des pratiques de dialogue social et pas simplement consommateur de mode de management, de com ou de gouvernance.
  • Aptitude à donner du sens aux actions de proximité, sans se limiter à gérer pour respecter une course aux bons chiffres. Ceci par engagement personnel, pérenne et ancrage dans le territoire.
  • Engagement pour une mobilité géographique ou de métier. La régularité de cette mobilité contribuant à la diversité de compréhension du monde Local.
  • Participer clairement à une création de valeur dont une grande partie se retrouve dans les territoires de proximité, et non tournée vers une financiarisation ou socialisation mondiale anonyme.
 
La non-compréhension par les élites et décideurs de ce qu’est réellement l’internet.

La plupart des élites (administrative, financière, artistique, sportive, artisanal, intellectuelle …) sont concernées par cette incompréhension. L’internet est perçu simplement comme une nouvelle technologie (modèle culturel des XIXe et XXe), la plupart n’ont pas vu le facteur de rupture forte dans ce qui fait sens, relation, décision, développement, écriture, lecture… en particulier dans le rapport entre écrit / oral et disponibilité de la connaissance.

  • « Les mutations de notre présent bouleversent, tout à la fois, les supports de l’écriture, la technique de sa reproduction et de sa dissémination, et les façons de lire. Une telle simultanéité est inédite dans l’histoire de l’humanité. » - Roger Chartier.

 
Trois exemples :

  • La politique publique centrée sur les anticipations :
    • Aurait dû parler « aménagement des territoires numériques » et non « aménagement numérique des territoires », distinction connue des acteurs civils mais non comprise par les milieux institutionnels.
      Il en est découlé un déploiement des réseaux numériques « à la classique » (modèle routier et filière industrielle), avec les acteurs dominants… au lieu de faire un déploiement avec des opérateurs locaux de proximité au plus près des recoins de chaque territoire physique formant réseau maillé. [7]
    • Devrait se préoccuper de l’émergence d’une société hypermnésique où tout se montre, tout se note… « Notations accumulées … décrivant ce que la société pense de chacun de ses membres… Se réfugier derrière l’anonymat, sera suspect… Il est encore temps de définir des règles de comportements protégeant à la fois la vie privée et l’intégrité des échanges, de toutes natures. »
    • Viser Pour Tous les citoyens … et non s’enfermer dans des segmentations de choix techniques, de normes, d’aménagement, d’innovations, de réglementations… qui conduisent à préférer ce qui est ordinaire et normal, rétrécissant d’autant ce qui est offert aux Autres.
  • Une stratégie industrielle fondée sur la seule financiarisation de l’activité avec croissance externe réduit à néant toute expérience positive de l’utilisateur et prive le retour vers le Local d’une partie de la création de valeur… Conséquence : dévissage en bourse d’un des opérateurs dominants. Le tout renforcé par une attitude « fuite en avant » du management. L’absence de fidélité dans l’internet contribuant au changement d’opérateur [8].
    A l’inverse certaines PME s’engouffrent avec internet dans le marché de l’adaptation aux cultures locales.
  • Le secteur éducatif accélérant sa formation ou tentant d’adapter sa pratique de transmission du savoir devrait pour rester dans la course intégrer les déploiements de l’intelligence artificielle et méditer ce propos :
    • Instruction : « A un enseignant qui me disait »notre métier n’est pas d’éduquer mais d’instruire… je lui ai rappelé la circulaire de Jean Jaurès : Vous enseignez moins ce que vous savez que vous n’enseignez ce que vous êtes » - Edgar Pisani.

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Que dire alors des Politiques publiques, Stratégies privées, Pratiques civiles soucieuses du Local ?
  • Politiques publiques  : Viser la proximité des habitants et usagers de nos territoires et des communautés de vie. Travailler d’abord pour donner du Sens à la Chose Publique. Apprendre à rédiger des Principes du Droit (et non le détail) en confiant au Juge tout ce qui peut relever de l’interprétation et de l’ajustement aux spécificités locales ou thématiques. Le tout dans un langage accessible aux citoyens sous peine de conforter la méfiance de ces derniers par incompréhension et déploiement d’une judiciarisation effrénée. Leur enjeu majeur, plus que la gestion courante, restant la capacité prospective pour anticiper les ruptures et ainsi contribuer à les réduire ou en atténuer les effets.
  • Stratégies privées  : Gagner en compétition, en émulation, en innovation et en déduire de justes rémunérations… La base d’une économie saine, porteuse de valeurs, de respect et d’éthique implantée au coeur des territoires de proximité. La financiarisation à outrance réduisant l’entrepreneur à un Harpagon de pacotille, symbole d’avarice.
  • Pratiques civiles  : Les chapelles y existent comme ailleurs… mais la capacité à se dégager des pesanteurs institutionnelles, à vivre des émotions partagées donnent aux actions civiles locales du poids dans les innovations et l’anticipation des ruptures et des horizons en devenir. Son rôle d’éclaireur est principal dans une société en mouvement. Il lui faut régulièrement se renouveler.
 
En conclusion…

Il y aura toujours des élites… que leurs activités s’exercent au niveau international, national, régional ou local… dans des territoires géographiques ou numériques. A elles d’afficher et de vivre, selon leur contexte évoqué ci-dessus, leur responsabilité et leur adéquation sociale et humaine pour conforter leur utilité, sous peine d’être rejetée sans ménagement par une ubérisation rampante ou autre pratique en rupture.
Travailler, Réinvestir le Local et la Proximité leur en donne l’occasion.


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le 20 novembre 2017 par Jacques Chatignoux Opérateur
modifie le 10 septembre 2018

Notes

[1] A méditer les propos ci-après :

  • Valable dans bien des domaines de savoirs :"L’idée d’un progrès nécessaire et autonome des sciences me paraît être à la racine de ce sentiment, partagé par les scientifiques, les médiateurs scientifiques et bien souvent le public lui-même, qu’il existe un fossé grandissant entre l’élite scientifique et le reste de la société… Cette conviction, qui justifie l’effort des médiateurs, n’était pourtant pas celle des pionniers de la vulgarisation au XIX°siècle… » B.Bensaude-Vincent.
  • Ce qu’il faudrait enseigner encore et encore à nos élites : « Il est admis aujourd’hui que toutes les vérités humaines, scientifiques comprises, sont relatives, au sens où elles sont incomplètes et destinées à changer… » - Michel Paty.

[2] Bon ex, la loi travail fait 166 pages.

[3] Relire Petite Poucette. Les nouveaux défis de l’éducation. Michel SERRES.

[4] A lire Pourquoi addiction et fake news sont l’ADN des réseaux sociaux : « rendent leurs utilisateurs accros, en accaparant leur attention par des microstimulations répétées et frustrantes… colportent des fake news malveillantes, dont nous commençons seulement à découvrir la profondeur vertigineuse. Deux travers, au cœur même de leur modèle économique (maximiser l’engagement de leurs membres, et donc recettes publicitaires)… Pièges à attention : like, vidéos qui démarrent automatiquement. »

[5] Exception sans doute pour celles ou ceux dont la Reconnaissance tient dans leur ouvrage - maître artisan en métiers d’art par ex.

[6] Ne pas réduire l’esprit entreprenant aux starts up… dont la seule vocation et le discours accompagnant, même si elles se déploient au niveau régional, est une valorisation pour se faire racheter. A lire Comment la France est devenue en 25 ans une terre d’entrepreneurs… conclusion significative « La France a tous les atouts pour continuer à porter une dynamique entrepreneuriale forte mais elle se doit aussi d’inventer un nouveau modèle de protection faute de fragiliser son tissu social. » Il aurait fallu ajouter « et Local ».

[7] Il eut fallu partir du Premier Mètre et non vouloir desservir le dernier km. Nous avons pris 10 à 15 ans de retard avec des citoyens réduits au rôle de simples consommateurs ! Et aussi comprendre l’importance pour la compétitivité française, de déployer des Internet eXchange Point IXP ou GIX dans les régions et pas les réduire à des rond-points routiers pour installer autour une zone industrielle ! L’Arcep pour sa part, au lieu de réguler en faisant prévaloir les opérateurs de proximité, a été investie par les corporatismes institutionnels et leur « moule culturel » proche des opérateurs dominants.

[8] Depuis le début du mois de novembre, le titre Alice (propriétaire de Sfr) a dévissé de près de 45%, voyant sa capitalisation réduite à 12,05 milliards d’euros, obligeant son patron (issu d’une formation élitiste) à retrouver le chemin ardu de la confiance et du service au client ! - Pourtant le B.A. BA du commerce.